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10 juin 2012

Une Pepsi a-t-elle un goût différent qu'un Coca ?

« A l’aveugle, il est impossible de reconnaître le Pepsi du Coca. » Les accros aux sodas marron, nombreux dans la rédaction de Rue89, comparaient les vertus des deux breuvages quand j’ai osé lancer cette hérésie. La bronca fut immédiate : tous ont répondu qu’ils étaient « évidemment » capables de les distinguer.

D’où l’idée de leur lancer ce petit défi : faire la différence, à l’aide de leurs seules papilles, entre quatre colas différents : du Coca, du Coca Light, du Pepsi et du Coca Leader Price.

Une expérience pas si anodine : les deux firmes s’affrontent depuis des années sur un marché gigantesque, investissant chaque année des milliards d’euros en marketing. Une guerre commerciale sans merci, menée dans le monde entier (même dans l’espace), à l’aide d’études pseudo-scientifiques et qui suscite moult sondages sur le Net.

Mais à quoi bon si, finalement, le Pepsi et le Coca ont le même goût ? (Voir la vidéo.)

La caméra éteinte, une dizaine d’autres candidats ont tenté leur chance, et seul l’un d’entre eux a réitéré l’exploit de Julien. La plupart ont cependant été incapables de distinguer le Pepsi du Coca Classic.

Avec de tels résultats, difficile de tirer une conclusion. Annick Faurion, chargée de recherche au CNRS et spécialiste du goût, a bien voulu éclairer notre lanterne. Premier enseignement : nos papilles sont tout à fait capables de distinguer le Coca du Pepsi. Elles font même bien mieux.

« Le cerveau est extraordinaire quand il doit comparer. Il peut repérer une différence d’un centième de degré entre deux aliments.

Par ailleurs, lors d’une étude, on a fait boire deux jus d’orange (une boisson déjà complexe à la base, qui mêle plusieurs saveurs), l’un avec une concentration en sucre de 30 grammes par litre, l’autre de 30,1 grammes. Et les sujets ont été capables de les discriminer. »

Mais alors, pourquoi la plupart des cobayes de Rue89 ont-ils aussi lamentablement échoué ? Il faut chercher du côté des conditions de l’expérience :

« Il y a une différence entre “reconnaître” et “discriminer”. Si je vous fais sentir du laurier puis du thym, vous sentirez qu’il y a une différence. Mais si je vous fais sentir l’un des deux, seul, vous ne saurez sans doute pas si c’est du laurier ou du thym. Comme un cerveau qui est incapable de se souvenir d’un visage. »

 


Une bouteille de Pepsi aux couleurs de Coca, et inversement (DR).

Un protocole vraiment scientifique aurait prévu d’utiliser trois verres (deux contenant un premier soda, un autre rempli du second), en demandant au sujet de désigner quelle est la boisson différente, et de recommencer l’opération dix fois.

Si ce dernier répond plus de sept fois sur dix correctement, c’est qu’il est bien capable de déceler la différence de saveur entre les deux boissons.

Certains chercheurs en neuromarketing sont allés beaucoup plus loin. En « photographiant » l’activité du cerveau de buveurs de sodas grâce aux techniques d’imagerie médicale, une équipe de l’université de Houston a pu mesurer en 2004 l’influence de l’image des marques consommées sur notre perception.

Le point de départ de leur étude : à l’aveugle, les buveurs testés ne manifestent pas de préférence entre Pepsi et Coca. Mais quand ils savent ce qu’ils boivent, ils préfèrent le Coca !

Reste une question : pourquoi les buveurs de sodas sont-ils aussi persuadés de pouvoir les reconnaître ? Parce qu’on goûte aussi avec les yeux, comme le rappelle Annick Faurion. Le logo de la marque inscrit sur la canette influence énormément la perception.

« C’est la fonction d’anticipation du système nerveux central qui joue. Si vous mettez du sel à la place du sucre dans votre yaourt, vous allez recracher la première cuillerée avant même d’avoir senti le sel.

Simplement parce que le cerveau avait anticipé l’arrivée d’une saveur sucrée : si la réalité ne correspond pas à l’image sensorielle attendue, celle-ci est instantanément suspecte de danger toxique. »

Enfin, avant de vous lancer des défis en soirée, sachez que le goût, ça se travaille :

« Il y a quelques années, j’ai passé deux mois au Japon. Depuis mon retour, je ne peux plus manger du riz bas de gamme, et je ne mets plus jamais de sauce tomate dedans.

Je suis devenu très exigeante, il me faut du riz japonais, et je suis capable de reconnaître des riz de qualités différentes les yeux fermés. J’ai simplement développé une sensibilité particulière avec cet aliment. »

Vidéo : Ophélie Neiman

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